[Togo]: la place d’un poète n’est pas en prison !
Le 12 janvier, le poète et défenseur des droits de l’Homme Sokpor Sitsopé Honoré, alias Affectio, a été arrêté. Ce défenseur des droits de l’Homme, connu pour ses publications engagées sur Facebook, a été accusé de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État. Selon les témoins de son arrestation, M. Honoré a été victime d’un guet-apens tendu par des policiers en civil au carrefour « La Pampa » d’Adidogomé à Lomé. Ces derniers l’auraient violemment molesté avant de l’embarquer.
Le 14 janvier 2025, Sitsopé Sokpor a été présenté au parquet du Tribunal de Grande Instance de Lomé. Le Doyen des juges d’instruction a rapidement ouvert une information judiciaire et l’a inculpé pour « atteinte à la sécurité intérieure de l’État ». Dès le lendemain, un mandat de dépôt a été émis, entraînant son incarcération à la prison civile de Lomé.
Les accusations portées contre Sitsopé Sokpor semblent liées à ses publications sur Facebook, notamment un poème intitulé « Fais ta part ». Dans ce texte, il exprime un cri contre l’arbitraire et l’oppression, appelant ses concitoyens à agir pour fissurer « les murs de ce pouvoir austère et briser les chaînes de l’injustice. »
AfricTivistes condamne au plus haut point cette violation flagrante de la Constitution actuelle du Togo votée l’année dernière, qui en son article 5 garantit la libre communication des opinions par l’écrit ou par l’image. L’arrestation de M. Honoré contrevient aussi à l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), ainsi qu’à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
L’incarcération de cet activiste et poète critique envers le pouvoir togolais suscite une grande inquiétude des organisations de la société civile togolaise (OSC), et de tous les défenseurs des droits humains. Elle constitue une énième violation des droits fondamentaux des citoyens.
Pour rappel, le mercredi 27 mars 2024, au lendemain de la première adoption de la nouvelle Constitution du Togo qui fait passer le régime présidentiel à un régime parlementaire, une conférence de presse des partis d’opposition et de la société civile a été dispersée par des gendarmes équipés de matraques sous prétexte que ses organisateurs n’avaient pas les autorisations nécessaires. Ce qui constitue une atteinte manifeste à la liberté de réunion.
Déjà en 2021, la police avait dispersé à coups de gaz lacrymogènes des partisans du Parti national panafricain (PNP) qui tentaient de se rassembler dans la capitale pour demander des réformes politiques. À l’approche de l’élection présidentielle du 22 février 2020. l’État togolais avait adopté plusieurs lois restreignant les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, ce qui leur a permis à l’époque d’interdire les manifestations nationales de l’opposition.
La liberté d’expression n’est pas en reste dans ce tableau noir des droits humains dans ce pays. En décembre 2021, Ferdinand Ayité, Joël Egah et Isidore Kouwonou, ont été poursuivis pour outrage à l’autorité, propagation de propos mensongers… dans un pays ou les délits de presse ont été dépénalisés depuis en 2004.
S’agissant de la liberté d’expression, le militant Foly Satchivi, avait été arrêté le 22 août 2018, alors qu’il s’apprêtait à tenir une conférence de presse. En janvier 2019, le tribunal de première instance de Lomé le condamna à 36 mois d’emprisonnement, pour « rébellion », « apologie de crimes et délits » et « trouble aggravé à l’ordre public ». Sur la même période, l’activiste, Fovi Katakou a également été arrêté à son domicile.
Le 15 octobre 2021, des militants prodémocratie de Tournons la page (TLP) Niger et de TLP Côte d’Ivoire n’ont pas été autorisés à entrer au Togo en violation totale du protocole de la Cedeao sur la libre circulation des personnes.
Le 4 avril 2018, Assiba Johnson, président du Regroupement des jeunes africains pour la démocratie et le développement (REJADD), a été arrêté puis condamné à 18 mois d’emprisonnement, pour diffusion de fausses informations et outrage à des représentants de l’État, après la publication d’un rapport sur la répression des manifestations en 2017–2018.
AfricTivistes, en tant que réseau promouvant la démocratie participative et le respect des droits humains, met en garde les autorités togolaises contre d’éventuelles censures et restriction des libertés de réunion, de manifestation, d’expression et de presse.
Tout en s’associant à toutes les nombreuses voix qui ont exprimé leur indignation et leurs inquiétudes face à ce détention d’un militant pro-démocratie, AfricTivistes interpelle les autorités togolaises, conformément à la charte fondamentale du pays, à faire respecter les fondements de l’Etat de droit et d’arrêter les menaces et des persécutions des citoyens pro-démocratie.
AfricTivistes reste solidaire du peuple togolais et de ses aspirations à une gouvernance démocratique pour un développement durable.