À la rencontre de la Championne AfricTivistes 2021, Fatouma Harber la guerrière du nord Mali
Fatouma Harber est défenseuse des droits humains, enseignante et blogueuse malienne basée à Tombouctou. En 2012, pendant que des groupes islamistes armés occupaient la ville, elle a mis à profit son blog pour dénoncer les exactions perpétrées contre les civils, et plus particulièrement contre les femmes.
À l’origine, Fatouma a tenté de rester anonyme, mais lorsque son blog a été nominé pour un prix, elle a commencé à utiliser son propre nom et à participer à des émissions radio et télévisées. Elle a co-fondé le mouvement #Mali100Mega, qui plaide pour un accès à Internet de meilleure qualité et moins cher au Mali, et elle a fondé l’organisation Doniblog, un collectif de blogueurs maliens qui écrit principalement à propos de la démocratie et de la liberté d’expression. Fatouma a aussi fondé une organisation appelée Yermatoum, qui milite pour la justice pour les victimes dans le nord du Mali et qui œuvre pour la démocratie, l’autonomisation des jeunes.
AfricTivistes: En tant que blogueuse et défenseuse des droits humains, pouvez-vous nous dire ce qui a déclenché votre engagement?
Fatouma Harber: C’est le besoin de communiquer sur ce que les populations du nord du Mali, particulièrement les femmes qui m’a convaincue de me lancer plus sérieusement dans le blogging et la défense des droits humains. En Avril 2012, nous nous sommes retrouvés en vase clos avec des « dirigeants » que nous ne connaissions pas et qui semblent avoir des principes tout sauf universels pour gouverner. Internet était le seul recours pour faire savoir au reste du Mali et du monde ce qui s’y passait. C’est ce conflit qui a déclenché mon engagement.
Comment évaluez-vous l’impact de vos actions sur la société malienne en particulier sur les femmes ?
J’ai inspiré beaucoup de jeunes (filles et garçons) à s’engager dans ce domaine altruiste de défense des droits humains. Il y a beaucoup de Timbuktu woy ( c’est mon surnom sur les médias sociaux et cela veut dire la Dame de Tombouctou) juniors qui veulent désormais faire connaître l’avis des femmes et des jeunes dans la conduite de notre État. En plus je peux me targuer d’être une personnalité publique qui participe au développement de sa ville (Tombouctou) mais aussi de son pays.
Mes actions sont reconnues par les gouvernants bien que je ne les caresse pas dans le sens du poil. Quand une personnalité comme Fatou Bensouda souhaite te voir quand elle vient à Tombouctou, juste à cause d’un article que tu as écrit, tu te rends compte que ton travail à de l’impact sur tous les plans.

Le Mali a traversé une série de coups d’État, comment percevez-vous le régime actuel ?
Je ne pense rien de ce régime (rire), c’est le mieux pour moi ! j’ai un seul message pour eux : organisez nos élections et retourner dans les casernes, nous avons besoins de toute notre armée pour que la paix et la sécurité revienne sur l’ensemble de notre pays. Nous avons besoin de leur présence à nos côtés tous les jours.
En 2021, lors du Troisième sommet de AfricTivistes à Abidjan vous avez été lauréate du prix Anna Gueye en tant que militante dans l’engagement citoyen, que représente cette consécration pour vous ?
Cette consécration représente beaucoup pour moi. Il démontre à hauteur du souhait que les actions que je tente de mener pour la démocratie dans mon pays sont partout visibles. Ce prix me dit que je suis sur la bonne voie malgré toutes les difficultés, les coups (bien bas) de continuer sur ma lancée.

Que conseilleriez-vous aux jeunes pour une Afrique inclusive, prospère et paisible ?
Je suis de ceux qui pensent qu’on demande trop aux jeunes en Afrique. Quand il faut construire, quand il faut de la force, de la mobilisation, on demande toujours aux jeunes de faire des efforts pour tous (jeunes, adultes et vieux) mais quand il s’agit de confier les responsabilités, on voit des arguments sortir pour discriminer ces mêmes jeunes. Je leur demanderai de ne pas se laisser emporter par ce trop-plein de responsabilité et de se construire, d’étudier, d’aller vers le monde pour acquérir ce qui peut les aider à réussir une Afrique meilleure mais de veiller à ne pas se retrouver dénaturé, sans culture, sans racines. La paix et la prospérité vont avec une personnalité originale. Aux jeunes africains, je dirai que nous pourrons changer l’histoire du monde en relevant le défi de l’éducation de tous les filles et fils.
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Par Ndeye Fatou Diouf, Digital Content Manager de AfricTivistes